Il est assez bien établit par les experts que le hatha yoga s’est développé dans un contexte d’ascétisme (voir, par exemple « Les Racines du Yoga« , Ed. Almora, par Mark Singleton & James Mallinson), parfois extrême et déroutant. Ainsi certains yogi-ni-s gardent un bras (parfois les deux) en l’air, ou encore restent debout sans jamais s’assoir, font voeux de silence, durant des périodes d’une douzaine d’années et souvent toute leur vie. On appele cela un « tapasya », ce qui signifie littéralement « augmenter le feu« . Pourquoi de telles pratiques ? Certains ascètes, dans le film « Naga The Eternal Yogi » nous expliquent : << La vibration de nos austérités se diffusent au delà du temps et de l’espace, et atteint les dévots afin de réveiller et d’attiser leur désir pour une vie spirituelle. Les fruits de nos austérités ne s’arrêtent pas avec notre mort, elles demeurent une source d’inspiration pour les générations futures. Tapasya constitue une protection qui contre-balance les actions négatives de la société; ce n’est pas pour un gain personnel, c’est une protection pour cette planète.>>

A une toute autre échelle, j’ai entrepris naturellement des petites pratiques yogiques qui ont une saveur de tapasya joyeuse. En janvier 2020, j’ai contacté intérieurement l’idée que « le bonheur est dans l’ascèse, et cette ascèse peut être vécue joyeusement ! »

Au printemps/été 2020, durant 6 mois, je me levais (au moins 6 jours par semaine) avant le soleil afin de l’acceuillir en assise silencieuse. Ensuite en 2020-21, sur une période de un an, je me suis abstenu de manger et de parler (sauf urgences notamment avec mes enfants) du dimanche (tombée de la nuit) au lundi (tombée de la nuit), avec la possibilité de poursuivre cette pause plus longtemps. En 2021-22, sur une période de un an, levé avant 5h (au moins 6 jours par semaines) pour prendre l’assise. Depuis je n’ai plus ressenti à nouveau l’appel à m’engager dans une pratique « contraignante » qui se répéterait sur une période de temps donnée.

L’assise silencieuse constitue l’essentiel de ma pratique personnelle « formelle » et par conséquent des pratiques qui sont partagées à l’ashram. En effet, le partage s’est toujours articulé avec ma pratique personnelle. Durant les explorations, il est courant de rester 8-9 h en assise par jour… Pourquoi ? Les mots d’un disciple de Amar Bharti (en photo sur cette page), qui est mort récemment et qui avait gardé un bras levé durant une quarantaine d’années : << L’essence de la vieille école, hardcore, yogique ascétique est l’isolement et le non-mouvement du corps et de l’esprit. Bien que le monde puisse le dénigrer et le considérer comme de l’oisiveté et la non-productivité, le yogi se doit de rester assis pendant de longues heures chaques les jours. Pas nécessairement dans la prière, la méditation ou quelque chose de pratique (sadhana), mais juste s’asseoir est essentiel. C’est une chose très ardue à faire. Ne pas sortir de la cabane (kutia) ou de l’ermitage (ashram) inutilement et s’asseoir près du dhuni pour travailler, parler, chanter des mantras, contempler… Cette pratique assise ouvre automatiquement les hanches et les ischio-jambiers et renforce la résolution dans l’esprit. Le feu garde le focus. Cette assise progressive lorsqu’elle est prolongée avec la technique et l’intention peut facilement conduire à l’établissement de l’être (samadhi). Sans cette pratique quotidienne de s’asseoir, il est impossible de se diriger vers les étapes supérieures du Yoga, même si l’on est capable d’exécuter tous les asanas.>>

Maheshwar —